Paru dans la Décroissance en mars 2022:
paru le 05 octobre 2020 dans le Berry Républicain:
Un portail rouge, une longère berrichonne, des granges qui attendent d’être retapées et autour, le bocage qui résiste encore, des vaches qui meuglent.
C’est à Sagonne, dans le sud du département, que Mathieu Guesdon s’installe en 2006, avec sa famille. « La naissance de notre premier enfant nous a donné envie de quitter Paris, raconte ce passionné de plantes et de simples. Pour les gens d’ici, même quinze ans après, je suis toujours un “bobo parisien”. Mais si je compte, l’endroit où j’ai le plus vécu dans ma vie, c’est ici. Je suis un Berrichon. »
Une randonnée en Thaïlande m’a dégoûté du tourisme de masse
Avant de produire des tisanes bio, Mathieu Guesdon concevait des voyages. « Des longs courriers, en groupes, des circuits », surtout en Asie du Sud-Est, au Népal, au Tibet. « J’étais envoyé sur place pour trouver les nuits d’hôtels, les restaurants, les cars… On faisait entre 3.000 et 4.000 passagers par an, histoire de bien pourrir l’environnement. »
Un jour, il a tiré un trait. « Ce qui m’a bien dégoûté du tourisme de masse, c’est une randonnée en Thaïlande. Deux jours sublimes, j’avais ramené de super photos. Deux ans après, nos concurrents aussi proposaient cette randonnée. Le sentier de terre avait été bitumé, les femmes des tribus se cachaient pour enfiler leurs tenues d’apparat et plaire aux touristes. C’était grotesque. L’arrivée d’un enfant m’a confirmé que j’avais fait le tour de la question. »
Quitter Paris, mais pour quelle destination ? « Notre budget ne nous permettait pas d’acheter en Bretagne, où j’ai des attaches. » Le couple épluche les sites de petites annonces. Et lors de la première visite, a le coup de foudre pour cette maison dans le Berry, tout près du bourg de Sagonne. « C’était vieillot, mais c’était beau. »
Mathieu retape les lieux, tout en élevant les enfants. « J’avais déjà des envies de travailler avec les plantes quand on habitait Paris. Mais toutes mes demandes de congés individuels de formation avaient été refusées. J’avais bossé avec un ami, installé dans la Creuse, le paysan herboriste Thierry Thevenin. Le métier m’intéressait, mais je ne savais pas comment m’y prendre. » L’horizon s’éclaircit quand sa fille entre au CP. « J’ai repris mes études. À 35 ans. »
À Clermont-Ferrand, Mathieu Guesdon obtient un certificat de spécialiste PPAM, pour plantes à parfum, aromatiques et médicinales. « Je voulais m’installer comme paysan herboriste. Je désirais produire, pas acheter et revendre. »
En 2014, les démarches commencent. Certification bio, statut de l’entreprise. En 2015, création d’Herberry, sa marque. « Je cultive une vingtaine de plantes : verveine, mélisse, menthe, mauve… J’ai la chance d’avoir un sol argileux qui convient. Par contre, le thym, je l’achète dans le sud de la France. Ici, le sol n’est pas assez drainé pour lui. »
En plus de cultiver, Mathieu Guesdon cueille. Frêne, rhizomes de chiendent, ortie, valériane, ail des ours… Dans le coin, et plus loin. « La gentiane, je la trouve dans le Puy-de-Dôme et l’arnica en Ardèche. Je ne vais pas plus loin. En volume, 70% de ma production provient de la cueillette. C’est tout l’intérêt d’être dans une zone de bocage. Il faut connaître les paysans chez qui on va, demander l’autorisation. J’ai la chance de cueillir sur deux prés Natura 2000, chez des paysans bio. »
La cueillette est une éthique. « Il faut connaître les restrictions à la cueillette de chaque département. Et on ne cueille que 30% de ce qu’on voit. Afin de protéger la ressource, de laisser des plantes pour les autres et pour la faune : les insectes butineurs, les oiseaux. »
Ce n’est pas la ressource qui manque. Ni les bonnes surprises. « Des plantes qu’on croyait disparues, ont réapparu à la faveur du confinement, comme l’aigremoine (Agrimonia eupatoria). » Pour savoir quoi cueillir, quoi cultiver, Mathieu a bossé la botanique.
« Je connais les vertus des plantes. Dans mes tisanes, je ne voulais en associer que trois. J’ai travaillé l’efficacité des mélanges, en faisant des tests. J’ai plus travaillé l’efficacité que le goût. J’ai aussi travaillé les interactions entre les plantes. Une plante, ce n’est jamais anodin. Il y a, dans les jardins, des choses qui peuvent amener à la morgue. En général, les plantes qu’on ne connaît pas, on ne les touche pas. Car entre soulager et tuer, c’est souvent qu’une question de proportion. »
Marie-Claire Raymond
1978. Son année de naissance.
2006. Installation dans le Berry, à Sagonne.
Fin 2012. Étude des plantes à 35 ans, à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme).
2015. Création de Herberry.
paru le 03 mai 2016 dans le Berry Républicain:
paru le 04 février 2016 dans l'Echo du Berry: